Ma chère Lulu,
Et
te voici à nouveau, ma jeune amie débrouillarde, en piste pour une
nouvelle aventure avec ton fidèle Fred… Et me voici, moi, à nouveau
sollicité pour accompagner vos exploits ! Une drôle d’histoire peuplée
de robots… Ca me fait réfléchir : qu’est-il préférable à notre société?
Des robots auxquels la technologie donne un soupçon d’humanité ? Ou des
humains que la société transforme en robot ? Je préfère, finalement, des
humains et des robots qu’il faudrait davantage encore humaniser !
Inspiré
par l’épatant Fred, j’avais encore envie de parler de fauteuil. De ce
fauteuil roulant qui nous offre, à toi et à moi, la liberté de nos
mouvements mais qui, pour les autres, n’est que le symbole, très
déprimant, du handicap ! Ecoute bien comme c’est paradoxal : lorsque je
demande où se trouvent les toilettes accessibles, on me répond le plus
souvent que les toilettes handicapées sont par là-bas, en m’indiquant
une porte avec le petit logo bleu du fauteuil roulant ! Ca me fait
marrer et je réponds : « j’vais peut-être pas y aller si les toilettes
aussi sont handicapées ! »
Je
voulais surtout que toi et moi, avec l’aide du très malin Fred, nous
affirmions que ce fauteuil n’est pas un « objet » triste qui se
considère avec accablement et pitié. Il est notre liberté pleine et
entière. Il est le mouvement et le déplacement. Il est tout sauf le
handicap dont il neutralise les conséquences les moins agréables ! Je
n’ai rien contre le handicap, c’est une partie de mon identité, et je
suis, comme toi Lulu, une personne handicapée. Voilà tout ! Mais je
supporte mal l’immobilité forcé, l’impossibilité de bouger, de
crapahuter et de parcourir ma vie à « grandes enjambées » électroniques!
Et quand je veux, je peux aussi rouler à pleins tubes ! C’est mon
fauteuil, un peu déglingué et essoufflé d’avoir tant rou! lé, comme ton
Fred, qui m’offre cette liberté de vivre en mouvements!
Qui
est le plus handicapé, au final ? Celui qui a ses bras et ses jambes et
ne s’en sert que pour se vautrer dans un fauteuil devant la télé en
vivant sa vie par procuration devant un flot d’images ? Ou celui qui,
aidé par un Fred ou un autre compagnon de métal et de roues, réalise ses
rêves ? Les plus quotidiens comme les plus dingues ? Va à l’école, au
boulot, fait du sport et se balade à travers le monde ? Il y a fauteuil
et fauteuil et à tout prendre, les notre sont notre chance ! Et ton
Fred, comme mon super fauteuil de compétition sont des amis dévoués que
chacun, autour de nous, devrait saluer comme étant les instruments de
notre « vie qui va ». Et la vie, avec un fauteuil, le plus simple
possible ou blindé d’électronique, elle ne va pas si mal que ça,
n’est-ce pas Lulu ? !
Mais je pense aussi à tous ceux, un peu plus abimés, qu’un Fred, si
perfectionné et débrouillard qu’il soit, ne peut épauler. Ceux que la
mécanique, les roues, l’électronique ou l’inventivité humaine ne peut
mettre en mouvements. Leur Fred, à eux, c’est leur imaginaire. La force
de leur pensée qui crée des mondes fantastiques et les embarquent, d’un
battement de paupière ou lors d’une respiration, dans des voyages à
travers des univers réels ou non.
Avec Fred ou sans Fred, « pour de vrai » ou dans sa tête, il faut bouger, Lulu, se bouger et piloter sa vie.
Ryadh Sallem
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